Depuis la rentrée tous mes collègues ont été occupés par les soutenances et la reprise des cours. Ce n’est que la semaine dernière que j’ai pu avoir une discussion intéressante avec deux d’entre eux. Nous avons évoque certains sujets intéressants, et nous nous sommes posé un certain nombre de questions :
- La Chine représente-t-elle une menace réelle pour l’équilibre du monde?
- La Chine a une richesse historique et culturelle singulière, mais l’image qu’elle nous offre aujourd’hui n’en est-elle pas très éloignée?
- Que peut-on penser du comportement de certains chinois d’aujourd’hui qui semblent essentiellement préoccupés de leur réussite sociale et matérielle?
- Est-ce que le mode de raisonnement « dialectique » est inhérent à la pensée chinoise?
A propos de la menace que pourrait représenter la Chine, j’ai évoqué les sept périples du navigateur chinois de l’époque Ming Zheng He (1371 – 1433) qui, un peu près d’un siècle avant Christophe Colomb (1451 – 1506 ), avait poussé ses explorations du monde jusqu’au Moyen Orient et jusqu’au sud de l’Afrique (https://fr.wikipedia.org/wiki/Zheng_He). Celles-ci, dont mes collègues n’avaient jamais entendu parler, n’avaient, semble-t-il, pas pour objectifs de conquérir ou d’exploiter des terres nouvelles mais d’y faire rayonner la civilisation chinoise. On peut à partir de là oser un parallèle à sept siècles d’intervalle et réfléchir sur la réalité de l’apparente volonté expansionniste de la Chine d’aujourd’hui dans le domaine économique.
Afin d’apporter à mes collègues des informations complémentaires sur cet événement important dans l’histoire de la Chine, j’ai consulté des documents et je suis tombée sur un article où l'ex-ambassadeur de Chine en France évoquait le même sujet (http://french.peopledaily.com.cn/Horizon/3537782.html).
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Les ''périples de Zheng He'' contre la ''version sur la menace de la Chine''
"J'ai travaillé à l'étranger pendant plus de 20 ans, pour l'essentiel aux Etats-Unis et en Europe. J'ai constaté que les gens ordinaires ignorent les sept périples de Zheng He, à l'exception des milieux des historiens occidentaux", a noté Wu Jianmin, l'ex-ambassadeur de Chine en France.
La Chine n'est pas une menace pour le monde
Ayant travaillé comme ambassadeur de Chine à l'étranger pendant 9 ans, il a découvert que les partisans de la ''version sur la menace de la Chine'' sont nombreux, a révélé Wu. Pour convaincre ces derniers, il a cité l'exemple de Zheng He.
''Un jour, j'ai visité une école militaire en France. Un officier m'a demandé : 'La Chine est de plus en plus puissante. Nous l'avons tous constaté. Comment pouvez-vous vous engager à ne pas commettre une agression contre un autre pays ?' J'ai alors cité l'exemple des sept périples de Zheng He. 'Entre 1405 et 1433, la flotte chinoise de Zheng He était la plus puissante du monde. A l'époque, nos armes étaient les plus modernes dans le monde : alors que le reste du monde restait à l'ère des armes blanches, la Chine maîtrisait déjà les armes à feu. La Chine était plus civilisée que les pays visités par Zheng He. Toutefois, nous n'avons pas envahi ces pays. Les Chinois leur ont apporté le commerce, la civilisation chinoise, la porcelaine, le thé et la soie. Après cela, ils sont retourné chez eux''.
L'exploit de Zheng He fait penser à la tradition plus lointaine des Chinois. ''Il y a 2500 ans, Confucius a recommandé de donner la priorité à la réconciliation, à l'époque des Trois Royaumes (220-280),Zhuge Liang a capturé sept fois Meng Huo et l'a relâché sept fois. Quand je les raconte, ces anecdotes surprennent les étrangers qui me demandent : 'C'est vrai ?' ''
La montée pacifique et dans l'esprit ouvert
Dans les circonstances actuelles, la célébration de l'exploit de Zheng He revêt une double signification : d'abord, on déclare ainsi que la montée de la Chine est pacifique (paix et développement). Il y en a beaucoup, dans le monde entier, qui craignent la montée de la Chine. Dans le monde actuel, un grand débat s'organise, des Etats-Unis à l'Europe, au Japon en passant par les pays en développement. Le sujet essentiel du débat est : que deviendra la Chine et quelle influence exercera-t-elle sur le monde après son redressement ?
''Il y a 600 ans, à l'époque de Zheng He, la Chine était la première puissance du monde sur le plan militaire, scientifique, culturel et enfin économique. Pourtant, les Chinois n'ont pas profité de leur supériorité militaire pour conquérir d'autres pays, pour les réduire à l'état de colonie. Cela montre que la bonne entente fait partie de la culture chinoise et que la montée de la Chine a un caractère essentiellement pacifique''.
''Deuxièmement, par une rétrospective du parcours de l'évolution de la Chine, on doit garder l'esprit ouvert et faire comprendre aux Chinois que la politique de la porte close signifie le retard et que tout pays en retard s'expose aux coups des autres'', a-t-il continué. Le PIB de Chine représentait le tiers du monde en 1820, mais n'était que de moins de 1% du monde en 1949, une chute libre en 129 ans. ''La Chine se trouve à un stade de développement essentiel. Comment réaliser un nouveau développement ? On doit mettre en œuvre la politique d'ouverture, tant sur le plan national qu'interrégional. Le protectionnisme régional doit être rejeté.''
Politique diplomatique, véhicule de la culture pacifique
''Aujourd'hui, la Chine poursuit une politique étrangère d'indépendance et de paix. C'est un patrimoine essentiel d'une culture pacifique et légué par nos grands ancêtres. L'attachement à la paix, le respect de l'autre partie, l'esprit d'égalité et la réciprocité sont autant d'aspects qu'on peut voir à travers les sept périples de Zheng He. Ces principes passent jusqu'à nos jours'', a expliqué Wu.
(Par Wu Jianmin, président de l'Institut de Diplomatie, l'ex-ambassadeur de Chine en France)
13/07/2005