Des Conflits des Dieux n'ont pas de solution au point de vue de l'homme (1)
- Zhou JianMing
Le drame qui a frappé "Charlie Hebdo" à Paris le 7 Janvier 2015 a choqué le monde entier. Comme les attentats du 11 Septembre 2001 aux états-unis, il ne peut pas être interprété simplement comme un conflit entre les hommes. Les deux événements ne peuvent pas être exclusivement réduits à leurs dimensions politique, économique et morale. Ils se situent à un niveau différent. Lorsqu'il s'agit d'un conflit politique comme par exemple une opposition idéologique, ou d'un conflit économique comme la lutte pour une prépondérance commerciale, on peut parler d'un même niveau, car dans ces deux cas seuls les hommes sont impliqués. Pour les deux événements qui nous occupent, il y a une dimension religieuse qui intervient. Ici, l'extrémisme religieux qui a armé les bras des terroristes vise en réalité le système démocratique, celui qui est garant de la liberté d'expression en général et de la presse en particulier pour les événements du 7 Janvier 2015 en France et de l'économie de marché pour ceux de Septembre 2001 aux états-unis. On n'est plus vraiment dans un conflit traditionnel entre religion et politique à l'intérieur d'un même modèle culturel. Ici, ce sont deux modèles culturels qui se trouvent confrontés, l'un séparant nettement le politique et le religieux, alors que dans l'autre le politique et le religieux sont étroitement imbriqués. Quand des innocents sont tués, La France dit d'une même voix "nous sommes tous Charlie". Le monde entier devrait se sentir concerné, car c'est l'être humain dans sa totalité qui est en question. Les conflits religieux qui sont du ressort de la foi ne sauraient être résolus par la seule raison humaine.
La religion est enracinée au plus profond de la vie spirituelle de l'homme, tandis que la politique est généralement liée à l'intérêt économique. Les deux sont des structures élémentaires de la société. C’est à leur point de rencontre et à travers leurs interactions que se situe l’intégration à l’intérieur d’un modèle culturel. C’est dans les conceptions différentes que se font les sociétés des rapports entre le politique et le religieux que se trouvent les sources des conflits. La civilisation est la façon dont un modèle culturel se perçoit concrètement. Le "conflit de civilisations" n’est autre que la résistance à la coexistence voire au mélange et à l’harmonisation de différentes cultures à l’intérieur d’une même culture qui serait universelle, en sachant bien que toute culture est le produit d’un processus de construction permanente et jamais close d’une identité en perpétuel devenir. Ce conflit dépasse les enjeux à caractère politique et économique, puisqu’il touche à l’homme dans sa totalité, y compris dans sa dimension religieuse. C’est en ce sens qu’il se situe comme la prolongation de la guerre des dieux.
Le judaïsme, le christianisme et l'islam ont la même origine. "Tous deux nés de la même racine, pourquoi se tourmenter l'un l'autre si cruellement! " , dit un poème chinois. Tous ces conflits interreligeux entre Israëliens et Palestinens, Indiens et Pakistanais, ou entre les courants d’une même religion , que de victimes innocentes ils ont pu faire depuis tant d’années, sans compter les innombrables pertes matérielles. L’appellation « guerre des dieux » est une image qui recouvre la complexité du phénomène (s’agit-t-il d’un conflit à caractère strictement religieux, y a-t-il interaction entre le politique, l’économique et le religieux, ou les hommes utilisent-ils le prétexte religieux pour justifier leurs actes?) et traduit l’impuissance de la raison humaine à envisager tous les aspects du conflit compte tenu de ses nombreuses implications et de toutes les interprétations qui peuvent en être données.
Le christianisme, né du judaïsme et associé à la tradition grecque, devient la religion principale des sociétés européennes médiévales. Avec l’émergence de la raison instrumentale au sortir du moyen age, ces sociétés sortent de l’enchantement religieux et en même temps de l’obscurantisme dans lequel cet enchantement les confinait.
Les occidentaux, "égaux en naissance" , on quitte le jardin d’Eden, se sont peu à peu éloignés de dieu, et ont fondé des sociétés laïques où le politique et le religieux sont séparés. Parallèlement le développement de l’économie moderne a permis à l’homme d’échapper la malédiction divine en le délivrant du souci élémentaire de la nourriture et de l’habillement.
Le judaïsme a survécu en se transmettant de génération en génération au prix parfois des souffrances indicibles. L’Islam a connu bien des vicissitudes au cours de ses 14 siècles d’histoire avec des périodes de rayonnement mais aussi des reculs. Comme le christianisme, ils sont à la fois créateurs, dépositaires, et continuateurs d’une certaine dimension culturelle qui imprègne tout esprit humain. La croyance la plus importante et communément partagée par ces trois religions est que Dieu a créé l’homme. C’est la métaphore de l’autre rive, l’homme séparé de Dieu pouvant espérer rejoindre son royaume, une fois son existence terrestre achevée. Mais il est une autre conception de la culture humaine, celle de l’homme qui est l’artisan de sa propre existence, et fondateur d’une société laïque. « La vie de l’homme dans une société laïque désignerait l’espace qui recouvre l’ensemble des activités humaines, et des relations que les hommes entretiennent les uns avec les autres, dans un sens plus large ce qu’on peut appeler la culture. C’est dans cet espace que l’homme est appelé à devenir véritablement homme en se réalisant lui-même ». (Zhou JianMing: Philosophie chinoise - l'existence culturelle et la morphologie culturelle - de la vision philosophique à la vision culturelle)
Culture et civilisation sont des concepts qui se situent à des niveaux différents. Dieu est le créateur de l'homme, et de la culture originelle, mais l'homme laïque est le créateur de lui-même, et de la civilisation. Du point de vue des études théoriques concernant le phénomène de culture, la civilisation, produit de cette culture serait la modélisation concrète d’une idée préexistante s’incarnant dans un langage qui permettrait à l’homme de vivre en société, dans un processus de transformation et de progrès continus.
Mais malheureusement, les trois grandes religions monothéistes, toutes soeurs qu’elles soient, ont chacune leur propre interprétation de Dieu et de la foi. Le judaïsme n’a pas pu empêcher la naissance du christianisme, de la même façon que le christianisme n’a rien pu faire face à la naissance de l'islam. Cette division répond à un processus vital de transformation permanente qui s’inscrit précisément dans la conception chinoise du « Yi » . (Yi Jing: la transformation est appelée Yi). De nombreux événements qui peuvent être rationnellement expliqués et d’autres plus irrationnels constituent la trame de l’histoire. Ainsi, on peut considérer que l’apport de la culture grecque au christianisme, de la même façon que le conflit entre le christianisme et l'islam, participent d’un même processus vital de transformation. Les Croisades qui avaient permis aux européens de reprendre contact avec ce qui survivait de la culture grecque devenue étrangère à l’Europe, auraient ainsi contribué à la Renaissance européenne.
Les conflits religieux seraient le résultat d’une transformation vitale impulsée par un Dieu qui ne serait ni celui des juifs, ni celui des chrétiens, ni celui des musulmans, mais plutôt une concept (existence?) universel qui dépasserait le cadre de toute religion constituée. En poursuivant la métaphore, ce conflit échappe à la volonté humaine dans le mesure où l’homme qui y est confronté est placé face à ses propres limites d’homme. Toute solution proprement humaine serait forcement incomplète, puisqu’il s’agit des affaires de Dieu.
Les principales formes de liberté dont jouit le monde occidental, en particulier la liberté de la presse, ont été permises d’une certaine façon grâce à la séparation entre le l’homme et Dieu. « Rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » . Dans la pensée occidentale, l’âme pure serait l’émanation de Dieu, et le corps est les plaisirs qu’il donne seraient le propre de l’homme. L’homme qui n’est plus sous le contrôle de Dieu devient dès lors l’artisan conscient de sa propre liberté.
La liberté de la presse qu’on peut traduire métaphoriquement par « marché libéral des idées » est dans cette perspective garantie et soutenue par un système d’organisation politique sur lequel le regard de Dieu n’intervient plus. A la trilogie classique des pouvoirs, le législatif, l’exécutif et le judiciaire, qui caractérise les régimes démocratiques, s’ajoute aujourd’hui un quatrième pouvoir, celui des médias. Mais lorsque la presse est confrontée à une culture qui n’est pas de même nature et où la religion ne saurait être assimilée à une idéologie, elle ne semble pas vouloir tenir compte d’une réalité complexe qui dépasserait la simple perception humaine, celle où le divin a sa place. De son côté, l’extrémisme religieux qui se venge de l’offense qu’il estime avoir été subie par son Dieu par le sang et le feu, dépasse la volonté supposée de Dieu, et devient par le fait même l’ennemi de l’humanité toute entière. C’est en ce sens que les terroristes ont été considérés, à travers l’expression unanimiste « nous sommes tous Charlie! » , comme des ennemis du genre humain.
La guerre des dieux est dépassée par la guerre des hommes, c'est le malheur des hommes, et aussi le malheur de Dieu.
L'essence de la culture chinoise est différente de celle de la culture occidentale, mais la civilisation chinoise a connu aussi au cours de sa longue histoire ses propres désastres. "La culture chinoise est d’essence exclusivement humaniste, et il n’y pas d’absolu prédéfini à partir duquel s’exercerait la raison instrumentale. C’est ainsi que dans l’histoire de la Chine il n’y a jamais eu de Croisades qui procèdent d’une volonté d’éliminer l’autre dans la mesure où, en l’absence de vérité absolue, n’ont jamais été semées les graines de l’extrémisme religieux. Ce qui manque dans la culture chinoise, c’est le terreau qui permettrait à la raison instrumentale de se développer.
Tout au long de l’histoire de la Chine, l’idéologie au nom de la quelle fonctionnait la société féodale excluait le principe de propriété privée durable. C’est justement en raison de cela que le capitalisme n’est pas apparu spontanément en Chine.
L'erreur fondamentale de la société chinoise moderne serait de ne pas avoir encore saisi la nécessité d’introduire en Chine un système de civilisation fondé, entre autres, sur l’idée de propriété privée inviolable. Sans doute, faut-il y voir la survivance de l’âme du féodalisme tel qu’il était conçu dans les sociétés anciennes.
La culture chinoise s’est constamment nourrie d’apports culturels multi-ethniques. C’est sans doute la raison pour laquelle elle n’a pas cessé de s’enrichir.
Malheureusement, depuis un peu plus deux siècles, la civilisation féodale chinoise qui s’est sentie agressée par le rationalisme instrumental a certes profité des apports technologiques de l’occident, mais l’esprit qui a impulsé les découvertes et les nouveaux systèmes d’exploitation ayant permis la révolution industrielle du 19ième siècle n’a pas été intégré par la conscience chinoise, c’est comme si la Chine était passée du premier âge de la agriculture au troisième âge de l’information en ayant raté l’étape du deuxième âge industriel. En fait, même si effectivement l’industrie chinoise a connu un certain développement depuis le début du 20ième siècle, développement devenu exponentiel ces trente dernières années, celui-ci n’a jamais été véritablement intégré et considéré comme faisant partie de la culture chinoise restée profondément ancrée dans la ruralité. Si on assiste actuellement à un extraordinaire décollage économique de la Chine, l’esprit du chinois est resté à bien des égards dans la boue.
Aujourd’hui, il s’agit pour la Chine de faire en sorte que la troisième âge qui est celui de l’information et des nouvelles technologies ne s’inscrive pas seulement dans un processus de progrès civilisationnel (matériel), mais qu’il imprègne aussi profondément sa culture. Ce serait aussi, à travers la rencontre et l’interaction entre les modèles culturels chinois et occidentaux une façon d’ouvrir de nouveaux chemins de vie et de créer de nouveaux modes d’être dont l’occident est l’orient pourraient profiter dans une perspective d’enrichissement culturel réciproque. Il est donc important pour la Chine de savoir saisir cette opportunité. Comme le dit un proverbe chinois, « si nous achetons la boîte et rendons la perle », nous risquons de perdre en richesse culturelle ce que nous gagnons en satisfaction matérielle, et rien n’est plus précieux que la richesse de l’âme.
(Traduit par Jean-François Barbier et Yu LI)
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神与神的冲突于人无解 --- 周剑铭
2015年1月7日巴黎《查理周刊》事件震惊世界,和9.11事件一样,这并不能理解为人与人之间的冲突,这两个事件不能直接归属于政治、经济、道德性质的行为,事件的两方完全是不对称的,他们不在同一个层次上,我们可以把政治冲突解释为意识形态对立,把贸易战争归源于经济关系,这些关系中的人和事是对等出现的,但《查理周刊》事件是宗教极端与新闻自由后的民主政治,9.11是宗教极端与市场经济后的民主政治,而且它们还不能简单归结到宗教与政治之间的传统冲突范围,真正的严重性是,现在的冲突中的宗教与政治不在同一个文化形态中,只有在文化研究的深远性上,我们才能看到他们背后是神与神的冲突,当无辜的人遭到杀戮,当法兰西同声“我们都是查理”,全世界都应为人类的命运担忧:神与神的战争于人无解。
宗教深深植根于人类精神生活底层,政治却大多源于经济利益,这两者都是人类社会的基本组织方式。这两者在不同程度的交织或分离,大体上就是不同文化的整合模式,文明就是不同的文化模式,所谓“文明的冲突”只不过是不同文化模式对文化整合的抗拒,这种冲突超越了政治和经济层次,超越了通常的人类自我行为,实质是神与神的战爭的继续。
犹太教、基督教、伊斯兰教有共同的渊源,“本是同根生,相煎何太急”,以色列与巴勒斯坦,印度与巴基斯坦,更有各宗教内部产生的形形色色的无休止的教派之争,无数的无辜死亡,无数的财富损失,这时没有政治上清醒,没有经济上的精明,我们看到只是人的理性的无能为力,因为这后面是神与神的战争。
基督教从犹太教脱生,结合希腊传统后,成为了西方世界的主流宗教,西方主流世界借助工具理性的“去魅”最先走出了中世纪的黑暗,“被创造的平等”的西方人不仅逃离了上帝伊甸园,而且在自己不断创造的世俗社会中,理性地隔离了自治政治与上帝的关系,现代市场经济使西方世界逃脱了上帝对亚当和该隐诅咒(参见“创世纪”),实现了社会产品的极大丰富,使绝大多数人无衣食之虞,西方主流社会基本上获得了精神和物质上的人权自由,几乎成了不分宗教的所有其它国家的人的移民向往。
犹太教经历了无穷的苦难而世脉延绵,伊斯兰教也经历了不同的兴衰历史,他们和基督教一样,都是人类文化的创造者和继承者,从这个意义上说,宗教是人类文化的原初创造者,所以宗教的最主要的和共同的信仰就是神创造了人,这就是彼岸的隐喻,但实质上是创造了此岸人的世俗平等和世俗社会的文明创造力,“世俗的意义就是现实的人的行为空间,世俗生活就是人的社会存在,在广义的文化概念的意义上,这也就是最大的文化模式,被创造成的人成为实现自己的(世俗的)人,与人类的自然存在转化为社会的存在一样,人成为了人自身、人自身的历史意义上的文化存在”。(周剑铭:中国哲学——文化存在与文化形态论 ——从自然哲学观到文化观)
这就是文化与文明层次不同,神是人的创造者,也即文化的原初创造者,但世俗的人是自己的创造者,是社会文明的创造者,从文化理论上说,文明是文化整合的模式化,人类社会的进步就是由种种不同的文明的生成、变易、融合、替代的进步过程。
但不幸的是,不同的宗教有不同的对神的理解和信条,犹太教阻止不了基督教的出生,基督教同样对伊斯兰教的产生无能为力,这是无情的历史,是生生不己的变易(周易·系辞上:生生之谓易),历史就是由无数的合理与不合理组成的,我们可以看到,基督教和希腊文化的结合、伊斯兰教与基督教之间的冲突都成为了历史上最重要的世界化过程,十字军东征使欧洲人发现了在欧洲已经消失了,却仍在当地存在的古希腊文化的残存,最终导致了欧洲的文艺复兴,这是神通过宗教方式实现的文化的变易整合,这不是人的事业,也不是某个宗教的必然,而是文化与历史的同一,我们继续这个隐喻,对神事业于人无能僭越,神与神的战争于人无解。
西方世界的新闻自由和政治自由是由人与神之间的分离实现的,“上帝的归上帝,凯撒的归凯撒”,世俗的西方人把心灵纯洁留给上帝,把肉体享乐留给自己,他们基本上能自觉地遵守这个分界,社会文明和政治制度支持和保障了新闻自由,“观点的自由市场”以及与之相关的理论是新闻学的理论基础,新闻媒体被认为具有与行政权、立法权与司法权以外的第四权力的相当地位,这是西方社会的现代性进步,但当新闻媒体面对异质的宗教文化时,就会陷入天真,宗教极端对这种无辜的天真加以血与火为服复,就僭越了自己的神,也就与整个人类为敌了,正是在这个本质上,恐怖主义是全人类的敌人——“我们都是查理!”。神的战争被人的战争僭越了,这是人的不幸,也是神的不幸。
中国文化是本质异于西方文化的,但中国文明同样有自己的灾难。中国文化是本质人性的文化,与工具理性的根源性不同,所以中国历史上没有出现十字军东征,也不会有产生宗教极端的基因,中国文化中缺少的是工具理性的土壤,中国长期封建历史中就没有制度私有制和相应的意识形态的根源,这正是资本主义没能在中国历史中自发产生的根本原因,中国近代历史最根本的失误,就是没有真正认识到对这种制度文明的引进的必要,这是封建主义亡灵至今不死的根本原因。中国文化历史上不断地实现了多民族的文化整合,因而延绵了数千年的历史不绝。不幸的是,近代以来,西方科学和民主对中国封建社会的渗透所产生的影响最终被中国人自己扼杀,中国文化的整合在最终完全失败,迄今仍在这个泥淖中挣扎。历史的中国己经错过了工业文明的机遇,今天有幸地迎来了现代新文明的大潮,这是中西文化的互补性在变易中的实践最好的机遇,但如果对此“买椟还珠”,就会又一次错过这个伟大的时代了!
附录:圣经·创世纪·第三、四章:
因为你听了你妻子的话,吃了我禁止你吃的果子,为了你的缘故,地成了可咒骂的;你一生日日劳苦才能得到吃食。
地要给你生出荆棘和蒺藜,你要吃田间的蔬菜。
你必须汗流满面,才有饭吃,直到你归于土,因为你是由土来的;你既是灰土,你还要归于灰土。
现在你必从这地受诅咒。你种地,地不再给你效力,你必流离飘荡在地上。