vendredi 30 juillet 2021

Greco, précurseur de la peinture moderne, et « Le Martyre de Saint-Maurice »

Une citation de l'introduction au Yoga de Sadhguru m'a frappé [1] :
Il y avait un peintre espagnol, El Greco. Un beau matin de printemps, il était assis avec toutes ses fenêtres fermées. Son ami est entré et lui a dit : "Pourquoi es-tu assis avec toutes ces fenêtres fermées ? Sortons. Viens. Il fait beau dehors, ouvre au moins les fenêtres." Il répondit : "Je ne veux pas ouvrir les fenêtres parce que la lumière intérieure brille, je ne veux pas qu'elle soit perturbée par la lumière extérieure.

C’est qui, El Greco ?

El Greco (1541-1614) est considéré comme le premier grand génie de l'histoire de l'art espagnol. Ses peintures, caractérisées par de longues figures courbes et des couleurs grotesques et imprévisibles. Il a adapté son style byzantin à un style occidental et est considérées comme un précurseur de la peinture moderne [2].

Né sur l'île grecque de Crète, Greco se rendit à Venise et à Rome à l’age vers 20 ans pour étudier la peinture avant de s'installer à Tolède, en Espagne, où il fit une brillante carrière de peintre. Bien que déjà une lé- gende dans le milieu des artistes, Greco fut oublié après sa mort et resta dans la poussière pendant près de trois cents ans ! Ce n'est que dans la seconde moitié du XIXe siècle, de Madrid à Paris, qu'un groupe d'intellectuels amateurs d'art moderne a fait de Tolède son pèlerinage, balayant la poussière et la crasse noircie par les bougies tombées sur les tableaux au fil des siècles, pour découvrir la "modernité" qu'ils voulaient dans l'art ! Lorsque Picasso avait 16 ans et apprenait à peindre à Madrid, il prenait le train pour Tolède dès qu'il le pouvait pour voir le Greco, qui a influencé ses peintures de la période bleue. [3]

En juillet 2021, en France, toujours sous l'ombre de l'épidémie malgré la levée du confinement, avec ma belle sœur, nous sommes envolés pour Madrid, puis nous sommes montés dans un train pour Tolède, l'ancienne ville espagnole où Greco a passé le reste de sa vie.

Nous sommes logées dans un petit hôtel avec un balcon rempli de bonsaïs chinois et dernière la cathédrale de Tolède qui est fusionnée des styles de l'islam, du judaïsme et du catholicisme. Nous avons déposé nos bagages et commencé à errer dans les petits ruelles, en vivant ce que Maurice Barrès a décrit dans son livre "Greco ou le secret de Tolède" [4].

Au temps du Greco, elle était bien cette même ville que je vois, ce même fleuve qui s'écoule devant mes yeux ; elle demeure toujours la cité bâtie sur un roc de granit, âprement cernée par le ravin profond du Tage. Au milieu d'un pays immobile, elle forme aujourd'hui encore une énorme grappe, une ascension composite d'églises, de couvents, de maisons gothiqes, de couloirs arabes haussés et rétrécis. Et ses pierres continuent de dire les mêmes choses qu'avaient entendues Greco et qu'il fortifie du discours abondant de ses tableaux dans les chappelles délabrées. Les raisons de Tolède! c'est un superbe dialogue entre la culture chrétienne et l'arabe, qui s'assaillent et puis se confondent.»

La ville abrite une grande collection de tableaux de Greco, aussi bien dans des églises et des monastères que chez des particuliers. Parmi ceux, « Le Martyre de saint Maurice », me semble à ouvrir une fenêtre pour connaître Greco [5], ...

« Le Martyre de saint Maurice » est un retable réalisé par le commande de Philippe II, le roi d’Espagne. Ce tableau représente l'événement historique du martyre de saint Maurice due avoir désobéi aux ordres de l'empereur romain de massacrer les chrétiens.

Maurice était le commandant romain de l'armée de Thèbes, un païen devenu chrétien par l'inspiration du Saint-Esprit. Au troisième siècle de notre ère, Maurice et ses légions ont désobéi à l'ordre de massacrer les chrétiens locaux et ont été punis par l'empereur romain avec la "loi des onze tirages", qui consistait à tirer au sort des groupes de dix et à exécuter la personne tirée au sort.

Selon l'évêque de Lyon du Ve siècle, Eucharius, après la première série de onze tirages, personne dans la légion thébaine n'était disposé à exécuter l'ordre de massacrer les chrétiens ; après la deuxième série de onze tirages, personne n'était disposé à le faire. L'empereur, furieux, ordonne l'exécution des 6 600 hommes de la légion.

Cependant, le tableau de Greco ne correspond pas à l'intention du roi, comme le laissent entendre les commentaires de son contemporain ecclésiastique José de Higuenza, qui estime que le tableau manque d'"encouragement à la foi". En effet, dans ce tableau, Greco ne se concentre pas sur le martyre, mais le relègue à l'arrière-plan, alors que saint Maurice et ses compagnons sont au premier plan en discutant la question : « si l'on doit choisir la mort pour la foi ?»

À cet égard, Maurice Barrès commente [4] :

Les influences italiennes persistent dans ce début du Greco à Tolède, comme dans les travaux qu'à la même époque il exécutait pour Santo Domingo el Antiguo. C'est l'éternelle histoire de l'originalité qui se cherche. Après une série d'oeuvres obscures, un Balzac écrit les Chouans, vrai chef-d'œuvre, mais encore sous l'in- fluence de Walter Scott ; il ne se trouve décidément que le jour où il se tourne à décrire la vie moderne. Ainsi Greco découvrit son génie dès qu'il imagina de peindre les nobles Castillans. Le Martyre de saint Mau- rice et de ses compagnons qu'il exécute pour Philippe II, de 1580 à 1584, atteste qu'il connaît maintenant sa voie : c'est d'exprimer d'une manière réaliste les spasmes de l’âme. 


Référence :
1Yoga – A Technology for Ultimate Flowering, 
https://isha.sadhguru.org/global/en/wisdom/article/yoga-technology-ultimate-flowering

2https://www.culturaydeporte.gob.es/mgreco/ en/inicio.html

3https://www.grandpalais.fr/fr/article/greco- face-la-posterite-le-regard-des-artistes-sur-son-oeuvre

4Maurice BarrèsGreco ou Le secret de Tolèdehttps://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6225181k/ f57.item.texteImage

5https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Martyre_de_- saint_Maurice